En 1978, après plusieurs tentatives manquées, Renault-Alpine est mieux préparé que l’usine Porsche et remporte les 24 Heures du Mans, avec l’A442 B confiée à Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi.
Pour comprendre la genèse du succès de Renault-Alpine aux 24 heures du Mans, il faut remonter à 1971, année qui marque les débuts de l’équipe française en compétition. A cette époque, la firme au losange décide en effet de concentrer ses activités compétition sur la marque fondée par Jean Rédélé (1).
1975 : premier engagement d’une Renault-Alpine aux 24 Heures du Mans
Si une Renault-Alpine remporte le championnat d’Europe dès 1974, sous les couleurs Elf-Switzerland (2), il faudra attendre l’année 1975 pour voir le prototype français engagé dans la Sarthe. En cette année de la femme, Marie-Claude Beaumont et Leila Lombardi sont associées sur une Renault-Alpine A441, également sous les couleurs Elf-Switzerland, mais cette première participation se soldera par un abandon.
En juin 1976, comme en 1975, un seul prototype Renault-Alpine est engagé au Mans mais cette fois-ci, c’est sous la bannière Renault Sport. Pour l‘A442 V6 Turbo, l’aventure tournera court, puisque dans la neuvième heure de course, le prototype français abandonnait sur casse moteur. De cette 44e édition, les observateurs retiendront surtout la quatrième victoire de Porsche et la première d’une 936 dans la classique mancelle.
L’édition 1977 devait être celle du duel entre Renault-Alpine et Porsche, la marque au losange ayant clairement affiché son objectif de victoire au classement général. Mais l’affrontement tant attendu tournera une fois de plus à l’avantage de la firme de Stuttgart, Jacky Ickx récidivant, non sans mal, au volant d’une Porsche 936 tournant sur 5 cylindres. Associé à Jürgen Barth et Hurley Haywood, le Belge effectuera une remontée spectaculaire, pour signer le quatrième de ses six succès dans la Sarthe.
La victoire au Mans : le seul objectif de Renault Sport pour la saison 1978
Chez Renault, bien que la performance ait été au rendez-vous de cette édition 1977, aucune des A442 engagées ne raliera pour autant l’arrivée, les quatres autos étant tour à tour affectées par des problèmes moteur. Cette défaite incitera Renault Sport à concentrer ses efforts sur son activité endurance pour la saison 1978, et à suspendre son programme F1, la marque ayant fait de la victoire au Mans un objectif prioritaire (3).
Pour enrayer les problèmes de moteur ayant affecté les prototypes français un an plus tôt, Gérard Larousse et son équipe décideront de conduire des essais de simulation sur des pistes permettant de reproduire des conditions proches de celles rencontrées dans la ligne droite des Hunaudières. Ces essais furent menés dans l’Ohio, sur le circuit TRC, ainsi que sur l’aérodrome militaire de Istres.
La Renault-Alpine A443 où le lièvre de Billancourt
En cette saison 1978, l’A443, la dernière née de Renault Sport, est équipée d’un V6 turbo monté de 1997 à 2140 CC. Au total, une trentaine de modifications seront apportées au moteur de 1978 par rapport à celui de 1977, en particulier aux pistons et à leur segmentation (4). Considérée comme étant le point faible de la voiture, la boîte de vitesse sera également améliorée, de même que le châssis.
L’A443 constitue une réponse à Porsche, dont la version 1978 de la 936 est équipée d’un moteur plus puissant que ceux utilisés lors des deux précédentes éditions. Avec un empattement allongé de quarante-cinq centimètres par rapport à sa devancière, l’A442, la Renault-Alpine A443 bénéficie d’un meilleur coéfficient aérodynamique et d’une vitesse de pointe supérieure de 10 km/h.
Au total, quatre voiture sont engagées par Renault Sport : les deux A442A, confiées à Ragnotti-Frequelin et Jarier-Bell, l’A442B, pour Pironi-Jaussaud et l’A443, avec Jabouille-Depailler au volant. Deux Mirage M-9, également équipées du moteur Renault 2.0 L Turbo V6, sont engagées par le team Gran Touring Cars Inc.
24 Heures du Mans 1978 : Jacky Ickx meilleur temps des essais
Pour défendre son titre, l’Usine Porsche, engagée sous la bannière Martini Racing, misera sur deux 936/78 et une 936/77, toutes trois éligibles en catégorie Gr. VI + de 2L. Une quatrième voiture officielle, la surpuissante 935/78 de 750 ch, est engagée en catégorie Gr. V.
Au volant de l’A443, Patrick Depailler rélisera le deuxième chrono lors des essais, en 3’28’’4’’’, à 8/10e du meilleur temps établi par Jacky Ickx. Tout comme l’A443, l’A442B disposait d’un saute-vent aérodynamique en plexiglas, en forme de bulle, ce qui n’était pas le cas des deux autres A442. Pour la course, Jabouille et Depailler décideront de ne pas utiliser cet élément aérodynamique qui résultait d’études supplémentaires réalisées en soufflerie.
Les Renault-Alpine en tête de la course de bout en bout
Avec l’A443, la tactique imaginée par Renault Sport vise à obliger les Porsche à imprimer un rythme de course soutenu. Le moteur de 3,2 l des 936 n’ayant pas disputé de course d’une durée supérieure à 6 heures, la pression de suralimentation a été réduite à 1,4 bar, ce qui ne permettra pas aux prototypes allemands de suivre la cadence des Renault-Alpine en course.
L’A443 va jouer son rôle de lièvre à la perfection, jusqu’à ce que Depailler ne s’arrête définitivement à Mulsanne dans la 18e heure de course (piston moteur cassé). A six heures de l’arrivée, l’A442B de Pironi-Jaussaud prend la tête de la course. Sa poursuivante, la Porsche de Ickx-Wollek, accuse huit tours de retard, après avoir été immobilisée à son stand deux heures plus tôt pour changer le pignon de la 5e vitesse brisée.
Didier Pironi conduit la Renault-Alpine A442B vers la victoire
La course est encore longue mais cette fois la mécanique tiendra. Pironi terminera la course en vainqueur, exténué par la chaleur, après avoir effectué un double relais, pour économiser la boîte de vitesse, qui avait montré des signes de faiblesse durant la 23e heure. L’honneur de Renault et de ses ingénieurs moteur, Bernard Dudot et François Castaing, était sauf.
Au passage, Renault-Alpine dépasera le cap des 5000 km, une première depuis 1971, ainsi que le meilleur tour en course, Jabouille bouclant les 13,640 km du tracé sarthois en 3’34’’2, à plus de 229 km/h de moyenne. Porsche se consolera avec une victoire dans les catégories Gr. IV et IMSA. A la fin de la saison, Renault se retirera de l’endurance, pour se concentrer sur son programme F1 à partir de 1979.
(1) Sigles – Histoire des marques automobiles dans le monde – Giles Chapman – Editions Hermé, Paris, 2005
(2) Histoires de Victoires – Un siècle de sport automobile Renault (de 1899 à nos jours) – Wake Upp Editions, 1994
(3) 24 Heures du Mans (1923-2010) – Philippe Joubin – Editions L’Equipe, 2010
(4) 24 heures du Mans 1978 – Christian Moity et Jean-Marc Teisseidre – Editions Publi-Inter
Crédits photos : Auto et Styles
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