Depuis le 21 octobre et jusqu’à la fin août, à l’occasion de la sortie du film Le Mans 66, l’Automobile Club de l’Ouest propose une exposition consacrée à la 34e édition des 24 Heures du Mans, et à la superproduction réalisée par James Mangold.
Très attendu par les fans des 24 Heures du Mans et les passionnés de courses d’endurance, Le Mans 66 raconte à la fois l’histoire du duel entre Ford et Ferrari, et la relation d’amitié qu’elle a fait naître entre le célèbre constructeur de voitures de course, Carroll Shelby (Matt Damon), et le non moins légendaire pilote britannique Ken Miles, interprété brillamment à l’écran par Christian Bale.
Bien que romancé, ce blockbuster à la sauce hollywoodienne a le mérite de proposer des scènes de course spectaculaires et des décors réalistes. Par exemple, la reconstitution de la ligne droite des stands est très fidèle à la réalité de l’époque.
Un peu d’histoire : Ford v Ferrari aux 24 Heures du Mans
Au milieu des années 60, Ferrari reigne en maître sur la discipline endurance, qui est devenue au fil des ans le terrain de jeu favori du cheval cabré et de son créateur de génie, le charismatique Enzo Ferrari. Imaginez un peu, à l’aube de l’édition 1966, la firme de Modène a déjà conquis pas moins de 9 victoires au classement général depuis 1949, tout en s’adjugeant les six dernières éditions ! Une domination sans partage.
A l’opposé, Ford jouit d’une image de constructeur généraliste, à l’esprit beaucoup moins sportif que son futur rival italien. Pas de quoi faire rêver les premiers baby boomers, qui constituent pourtant une cible commerciale prioritaire pour le géant américain. Après l’échec des négociations devant conduire au rachat de Ferrari par Ford, Henri Ford II n’a alors plus qu’une seule idée en tête : battre Ferrari sur son territoire, Le Mans, et sa célèbre course de 24 Heures.
Au commencement était la Ford GT40 Mk1
Conçue par les équipes d’Eric Broadley, dans les ateliers de Lola Cars, au Royaume-Uni, la GT40 Mk1 constitue la réponse de Ford aux Ferrari 330 P, dès 1964. Handicapée par des problèmes d’adhérence, cette première version souffre indéniablement de défauts de conception aérodynamique. Mais une autre auto américaine sauvera l’honneur des USA en 1964, puisqu’une Shelby Cobra Daytona terminera 4e de la course, juste derrière les trois Ferrari de tête.
Il n’en fallait pas moins pour que Ford s’attache les services du talentueux Carroll Shelby dès la saison suivante. Concepteur de la fameuse Cobra Daytona, le Texan avait connu une brillante carrière de pilote – son principal exploit fut une victoire aux 24 Heures du Mans en 1959 avec Roy Salvadori, sur Aston Martin – avant d’embrasser, contraint et forcé pour des raisons de santé, une carrière de constructeur de voitures de sport.
Ainsi, dès 1965, Carroll Shelby et son pilote fétiche Ken Miles – pas du tout en odeur de sainteté chez Ford – vont développer la nouvelle arme de guerre de Dearborn : la Ford GT40 Mk2. Après une 2e tentative infructueuse en 1965, Ford terrassera Ferrari en 1966, en signant un triplé historique. Chris Amon et Bruce McLaren s’adjugeront la victoire sur la n°2, au terme d’un finish très controversé, devançant Miles/Hulm sur la n°1, aussi engagée sous la bannière Shelby American Inc. et Bucknum/Hutcherson sur la n°5 de Holman & Moody.
Une exposition à la hauteur de la course et du film Le Mans 66
Mes attaches familiales dans la Sarthe me permettent de revenir régulièrement dans le département, même si les virées sur le circuit ou au musée des 24 Heures du Mans se sont faites plus rares ces dernières années, pour cause d’emploi du temps surchargé ou d’obligations familiales. Ma dernière visite du musée remonte à 2012, année marquée par une autre très belle exposition, consacrée au constructeur britannique Jaguar.
Après avoir affronté une tempête de neige et autres péripéties en quittant Paris, je suis fin prêt à passer une matinée au musée, pour découvrir l’exposition Le Mans 66. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai le sentiment que celle-ci va me procurer au moins autant de plaisir que le film éponyme.
En arrivant sur l’esplanade du musée, on est immédiatement plongé dans l’ambiance Le Mans 66. Au premier coup d’oeil, on reconnaît le kiosque visible dans une des séquences du film, tournée place du Cardinal Grente, dans le Vieux Mans, au pied de la cathédrale Saint-Julien. Ce très bel élément de décor a été réalisé par les équipes du chef-décorateur François Audouy.
Exposition Le Mans 66 : les autos présentées au public
La Ford GT40 Mk2 n°2 de Chris Amon et Bruce McLaren victorieuse en 1966
En guise d’introduction de très haut niveau, le visiteur tombe nez à nez avec la Ford GT40 Mk2 n°2 victorieuse au Mans en 1966. Le ton est donné ! Nous sommes bel et bien dans le temple des sports mécaniques. Cette auto d’exception avait déjà été présentée au public en juin 2013, le vendredi précédant la course des 24 Heures du Mans, dans le cadre d’une exposition en plein air, au niveau de la chicane Dunlop. Je la contemple de nouveau avec émotion, six ans plus tard, et elle semble ne pas avoir pris une ride.
La C.D. SP66 au Musée des 24 Heures du Mans
Avec sa forme élancée, ses deux ailerons arrière qui lui confèrent une allure d’avion de chasse et sa robe bleue électrique très française, la C.D. SP66 ne laisse pas indifférent ! Conçue dans les ateliers de Charles Deutsch, cette auto a participé à l’édition 1966 des 24 Heures du Mans, engagée par les Automobiles CD. Ce modèle iconique de l’endurance des années 60 fait une apparition dans le film Le Mans 66. On peut l’apercevoir sur un camion plateau, en arrière plan, lorsque le pilote Ken Miles déambule dans la Cité Plantagenêt.
La Ford GT40 « pelotte de laine »
L’une des trois Ford GT40 de l’exposition a été utilisée pour reproduire la scène du film intitulée « pelote de laine ». En 1965, cette technique avait consisté à scotcher des fils de pelote de laine sur la carrosserie, en phase de développement de l’auto, pour évaluer le perfectionnement de son aérodynamisme.
Exposition Le Mans 66 : une scénographie très soignée
Au-delà de dévoiler des anecdotes en lien avec le film de James Mangold, comme les quelques suggestions de modifications du scénario formulées par l’ACO à la production, tout est fait pour favoriser l’immersion du visiteur dans l’univers mécanique et frénétique de la 34e édition des 24 Heures du Mans.
Extraits du journal de course, photographies d’époque, combinaisons et habits des protagonistes, plans et planche de bord de la Ford GT40, liste des engagés grand format, interviews d’Enzo Ferrari et Henri Ford, etc. : nous voilà plongés avec bonheur dans le duel Ford v Ferrari le temps d’un samedi matin d’automne pluvieux. Tous nos sens sont en éveil ! Il ne manque plus que les odeurs d’huile de ricin brûlée. On s’y croirait presque.
Seul ombre au tableau selon moi : le manque d’informations concernant les autos exposées. Pour le reste, il faut féliciter les équipes de l’Automobiles Club de l’Ouest et ses partenaires car cette exposition est vraiment à la hauteur du film et du duel entre Ford et Ferrari. Courrez-y !
Repères : Ford et Ferrari au Mans
Les 9 victoires Ferrari aux 24 Heures du Mans
- 1949 : Ferrari 166 MM – Lord Selsdon – Lord Selsdon/Luigi Chinetti
- 1954 : Ferrari 375 Plus – Scuderia Ferrari – Jose Froilan Gonzalez/Maurice Trintignant
- 1958 : Ferrari 250 TR58 – Scuderia Ferrari – Olivier Gendebien/Phil Hill
- 1960 : Ferrari 250 TR59/60 – Scuderia Ferrari SpA – Paul Frère/Olivier Gendebien
- 1961 : Ferrari 250 TRI/61 – Scuderia Ferrari – Olivier Gendebien/Phil Hill
- 1962 : Ferrari 330 TRI/LM Spyder – SpA Ferrari SEFAC – Olivier Gendebien/Phil Hill
- 1963 : Ferrari 250P – SpA Ferrari SEFAC – Lorenzo Bandini/Ludovico Scarfiotti
- 1964 : Ferrari 275P – SpA Ferrari SEFAC – Jean Guichet/Nino Vaccarella
- 1965 : Ferrari 250LM – North American Racing Team – Masten Gregory/Jochen Rindt
Les 4 victoires Ford aux 24 Heures du Mans
- 1966 : Ford GT40 Mk2 – Shelby American Inc. – McLaren/Amon
- 1967 : GT40 Mk4 – Shelby American Inc. – Gurney/Foyt
- 1968 : GT40 Mk1 – John Wyer Automotive Engineering – Rodriguez/Bianchi
- 1969 : GT40 Mk1 – John Wyer Automotive Engineering – Ickx/Oliver
Crédits photos : Blog Auto et Styles
2 commentaires
Absolument fabuleux !
Oui, « fabuleux » est un qualificatif qui résume parfaitement ce pan de l’histoire endurance 🙂